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Tous les amateurs de minéraux francophones connaissent ou, au moins, ont entendu parler de l’Inventaire minéralogique de la France. Les plus chanceux possèdent quelques volumes dans leur bibliothèque, ces mêmes volumes qui les ont guidés sur le terrain.

Inventaire minéralogique de la France – bannière

Ce projet initié dans les années 70[1]Parution du premier inventaire dédié au Cantal en 1971 — les travaux ont réellement commencé dans la deuxième moitié des années 60 avait pour ambition de dresser l’inventaire des ressources minéralogiques de la France, département par département.

Finalement, ce sont 14 volumes et autant de départements qui seront couverts[2]En fait, deux volumes sont à eux seuls consacrés à l’Ariège, et un autre regroupe les deux départements du Lot et du Tarn-et-Garonne.

On pourrait se dire que c’est peu, au regard du nombre de départements de France métropolitaine. C’est vrai. Et aussi que des départements français « vedettes » manquent à l’appel, comme ceux du Massif central ou de l’Est de la France (en bon breton, bien que d’adoption, je ne trouve pas) ; —)). c’est vrai aussi.

Mais il faut avoir à l’esprit que le projet Inventaire minéralogique de la France a déjà eu de la chance de voir le jour. Aujourd’hui, ce serait une autre histoire (en moins bien).

Origine du projet « Inventaire minéralogique de la France »

C’est Roland Pierrot[3]« Il n’a pas l’air sérieux, il ne se prend pas au sérieux, mais il est beaucoup plus sérieux qu’il ne le croit lui-même » – in Memoriam, sur le site de la Société … Lire la suite, alors chef du service de Minéralogie, département Laboratoires, Service géologique national (il le sera jusqu’en 1972), à Orléans, qui lance l’idée, dès le milieu des années 60, de créer cet Inventaire minéralogique de la France afin de venir compléter l’inventaire des gîtes minéraux en France métropolitaine entrepris de longue date par le B.R.G.M., plus précisément par la Direction des Recherches minières.

Et si pour nous autres, amateurs, l’intérêt d’un tel inventaire semble évident, il fallait à l’époque convaincre ceux qui allaient financer le projet, eh bien que ce projet en valait la peine. J’entends par là qu’il réponde à un réel besoin économique et stratégique. Et j’ai dans l’idée que ses promoteurs ont probablement dû user d’astuce pour arriver à leurs fins. Si c’était aujourd’hui, il est à peu près certain qu’un tel projet ne verrait pas le jour, faute de moyens et, je l’évoque plus loin, par frilosité.

Stratégique ?

Vous vous en souvenez, ou vous l’avez étudiée à l’école, la crise pétrolière. Et les ressources métalliques, de plus en plus demandées ? La quête d’espèces minérales rares, voire nouvelles, la découverte de nouveaux filons pour y ouvrir de nouvelles mines exploitables : autant de motivations à mettre en avant pour obtenir les financements. Le contexte de l’époque et les besoins identifiés alors expliquent pourquoi l’idée de l’Inventaire a pu trouver un certain écho au B.R.G.M.[4]et peut-être, un peu, pourquoi finalement les inventaires ont rarement mis en avant des gîtes uniquement « silicatés ». Et, à n’en pas douter, les géologues et minéralogistes sur le coup ont dû s’éclater à la tâche… car au vu du résultat, ils ne cherchaient pas que du pétrole, pour notre plus grand bonheur.

Polémique ?

Cet inventaire, comme finalement un grand nombre de publications sur les gîtes minéraux (une multitude de publications, souvent de la taille du livret), allait régulièrement entretenir une drôle de polémique. Pour faire simple, c’est le premier point, si on dit où sont les jolis cailloux, tout le monde va aller prospecter, « piller » les sites, et après, il n’y aura plus rien.

Dès la parution de l’inventaire des Hautes-Alpes, en 1973, voici ce qu’on pouvait lire dans la Revue de Géographie Alpine[5]Jail Marcel. Pierrot (R.), Picot (P.) et Poulain (P.-A.). — Inventaire minéralogique de la France : Hautes-Alpes. In: Revue de géographie alpine, tome 61, n° 4, 1973. … Lire la suite

Toutefois on peut se demander si ces publications étaient indispensables. En effet nous assistons actuellement à une recherche forcenée de tout ce qui peut être trouvé dans la « nature » : fleurs, fossiles, minéraux… et ces derniers en particulier font l’objet d’une spéculation intensive. De nombreux gîtes ont déjà été saccagés par des chercheurs qui n’ont rien de scientifique. Les nouveaux guides minéralogiques risquent fort de favoriser cette tendance au détriment de la science elle-même ou des amateurs parfois victimes d’accidents graves dans les anciennes galeries.

Marcel Jail — In: Revue de géographie alpine, tome 61, n° 4, 1973. p. 605.

Le point de vue défendu par cette critique des années 70 semble encore de mise aujourd’hui, dans certains milieux. Ce n’est pas l’objectif du présent article d’entrer dans le débat[6]Mais il est vrai que communiquer sur les gîtes et indices minéralogiques, de manière précise, c’est un peu comme donner ses coins à champignons. Et si les champignons, eux, ils reviennent, les … Lire la suite.

Ajoutez à cela, et c’est le second point, la grande frilosité des « autorités compétentes » sur le sujet, vous n’êtes pas prêts de retrouver des guides de ce genre en librairie ! Honnêtement, j’ai parfois du mal à comprendre qui prend le risque : moi, amateur, qui me foule une cheville sur une halde ou telle société ou tel bureau d’étude qui peut se retrouver au tribunal pour n’avoir pas empêché l’accident. Alors attention, je comprends bien que les personnes, physiques ou morales, en charge de la sécurité des sites souhaitent se couvrir en cas de pépin, quitte à supprimer le site (en en foudroyant l’entrée, en le noyant ou en l’ensevelissant). Mais, j’ai le sentiment qu’en France, cette solution de facilité l’a emporté sur toute autre considération : il y a finalement peu d’amateurs de minéraux, donc pas la peine de se prendre la tête. Foudroyons, noyons, détruisons. Conséquence : il y a finalement peu d’amateurs de minéraux, faute de sites accessibles… (l’œuf ou la poule, vous voyez l’idée).

Ça en dit long sur l’absence de volonté, dans nos pays (il n’y a pas que la France), de promouvoir les sciences de la Terre. Mais là aussi, ce n’est pas le propos (en fait, si, mais bon).

inventaire carte france2
Trois gros « clusters » : la Bretagne, l’Occitanie (c’est comme ça que ça s’appelle aujourd’hui) et les Alpes

Incomplet ?

Vous l’avez compris, le projet était d’envergure. Les hommes et les femmes qui en avaient la charge étaient dévoués et prêts pour l’aventure de l’inventaire pendant tout le temps nécessaire.

Puis l’intérêt économique du projet[7]Il y a tellement de minéraux disponibles pour pas cher à l’autre bout du monde, finalement, que ce n’est pas rentable de s’occuper de ce qui se passe chez nous… s’est amenuisé, et donc les ressources allouées au projet ont elles aussi disparu. Après 18 années et 14 départements, l’aventure s’arrête. C’est sûr, elle a continué sous d’autres formes. L’information, quand elle existe, est plus ou moins accessible sur internet, notamment dans la base de données du sous-sol du BRGM. Mais ce n’est pas pareil. Et on a toujours l’impression de chercher dans les archives et de courir après des informations dépassées. Heureusement, des amateurs continuent de parcourir les sites, partout en France, et de documenter ce qui peut l’être. Merci à eux.

Départements couverts, dans leur ordre de parution :

  • Cantal (1971),
  • Hautes-Alpes (1974),
  • Finistère (1973),
  • Alpes-Maritimes (1974),
  • Côte-du-Nord (1975),
  • Tarn (1976),
  • Aveyron (1977),
  • Haute-Garonne (1978),
  • Morbihan (1980),
  • Lot & Tarn-et-Garonne (1982),
  • Ariège tome 1 (1983)
  • Ariège tome 2 (1986)
  • Ille-et-Vilaine (1985),
  • et Lozère (1989).

Frustration ?

Avant le sommaire de chaque volet, sous la liste des « Déjà parus dans la même collection », on pouvait apercevoir parfois quelques lignes qui disaient « à paraître ». Les deux tomes de l’Ariège mentionnaient déjà le Haut-Rhin. Dans Ille-et-Vilaine, l’Aude s’ajoutait à la liste. Et celui de la Lozère, le dernier donc, permettait de rêver encore un peu en mentionnant « à paraître : 87 — Haute-Vienne, 44 — Loire-Atlantique ».

Monsieur BRGM, il en manque ! Roland, reviens !

Dans la bibliothèque

Vous trouverez ci-dessous les références de chaque inventaire[8]La structure type d’un inventaire est détaillée sur la page Inventaire minéralogique de la France. :

Notes

Notes
1 Parution du premier inventaire dédié au Cantal en 1971 — les travaux ont réellement commencé dans la deuxième moitié des années 60
2 En fait, deux volumes sont à eux seuls consacrés à l’Ariège, et un autre regroupe les deux départements du Lot et du Tarn-et-Garonne
3 « Il n’a pas l’air sérieux, il ne se prend pas au sérieux, mais il est beaucoup plus sérieux qu’il ne le croit lui-même » – in Memoriam, sur le site de la Société Française de Minéralogie et de Cristallographie
4 et peut-être, un peu, pourquoi finalement les inventaires ont rarement mis en avant des gîtes uniquement « silicatés »
5 Jail Marcel. Pierrot (R.), Picot (P.) et Poulain (P.-A.). — Inventaire minéralogique de la France : Hautes-Alpes. In: Revue de géographie alpine, tome 61, n° 4, 1973. p. 605.
www.persee.fr/doc/rga_0035-1121_1973_num_61_4_1352_t1_0605_0000_2
6 Mais il est vrai que communiquer sur les gîtes et indices minéralogiques, de manière précise, c’est un peu comme donner ses coins à champignons. Et si les champignons, eux, ils reviennent, les cailloux sont quant à eux perdus. C’est toutefois une question de point de vue, car si des échantillons finissent dans une collection ou entre les mains des scientifiques, on peut considérer que l’information a permis une progression de la connaissance — à l’opposé, s’ils ont été le fruit d’un pillage organisé, pour des raisons mercantiles, puis vendus à des touristes qui les jetteront tôt ou tard dans une benne à ordure, on se dit : « quel gâchis ! ». Faut-il limiter la diffusion de telles informations ? Les réserver à un public averti comme on le fait pour l’archéologie ? Les amateurs ont-ils leur place dans tout ça ? Et puis si ce n’est pas un gamin qui le ramasse, le caillou, ou l’amateur, c’est le temps qui s’en chargera et il sera perdu pour tout le monde. En voilà des sujets intéressants pour de futurs articles ! En attendant, je ne résiste pas à l’idée de partager l’entretien que Roland Pierrot a accordé à la revue Minéraux & Fossiles, dans son numéro de septembre 1977, lors duquel il répond, d’une certaine manière, à la critiques de Marcel Jail.
7 Il y a tellement de minéraux disponibles pour pas cher à l’autre bout du monde, finalement, que ce n’est pas rentable de s’occuper de ce qui se passe chez nous…
8 La structure type d’un inventaire est détaillée sur la page Inventaire minéralogique de la France.

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