
Je voulais me cantonner aux périodiques en langue française, mais j’ai finalement décidé de répertorier aussi ceux qui trainent dans ma bibliothèque ou dans des cartons. C’est Bocamina qui s’y colle en premier.
Revue parue entre 1994 et 2008, je rappelle son histoire un peu plus bas dans cette page. Elle compte 24 numéros, dont un numéro « zéro », et une sorte de numéro spécial (La Panasqueira, sur une mine de tungstène au Portugal, seul numéro qui n’est pas consacré à la minéralogie espagnole). La revue a connu deux époques : ses 5 premiers numéros (du numéro 0 au numéro 3, ainsi que le Panasqueira, qui étaient plutôt des monographies), puis les suivants, avec une maquette qui restera la même jusqu’à la fin, regroupant souvent plusieurs localités. Son rythme de parution était semestriel. Il était publié en général en avril et en octobre. J’avoue avec le recul que la qualité de cette publication n’a été dépassée qu’en 1995, notamment pour la qualité des prises de vue, par le premier numéro du Règne Minéral.
Ci-dessous la grille des numéros disponibles (j’ai mis toutes les couvertures, mais il m’en manque quelques-uns pour y intégrer les sommaires complets). Chaque numéro (ou volume) contient généralement un sommaire et, là où j’ai pu en trouver, les présentations par l’éditeur de la revue.
Un peu d’histoire ?
Cette revue en langue espagnole, consacrée à la minéralogie espagnole donc, est (était) la revue du Grupo Mineralogista de Madrid (la GMM), association née d’un schisme avec la Sociedad Española de Mineralogía (la SEM). Eh oui, figurez-vous que la création du GMM est l’histoire d’une scission, face à une évolution de la SEM qui ne correspondait plus aux attentes des collectionneurs et des passionnés.
La création de la revue Bocamina est indissociable de celle du GMM. C’est pourquoi j’ai réuni quelques éléments historiques pour faire une sorte de chronologie des évènements (j’aime beaucoup faire ça pour l’histoire des périodiques)[1]Pour ce faire, je me suis largement appuyé sur la vidéo de Frente Minero (littéralement le « front minier », j’imagine comme des mineurs entrés en résistance)..
Alors, ça s’est passé comme ça :
- L’esprit d’origine de la SEM : au commencement, le 23 mai 1975, la SEM avait une double vocation. Bien sûr, elle devait promouvoir la recherche scientifique en minéralogie, mais elle affichait aussi un intérêt tout particulier pour la promotion de la collection et l’enseignement de la minéralogie. Les premiers bulletins, comme celui de juin 1978, en témoignaient, avec des photos de collections, des fiches systématiques et même des publicités de marchands de minéraux, car beaucoup de collectionneurs et commerçants figuraient parmi ses fondateurs[2]Source : le mot du président de la SEM d’alors, Gonzalo Leal Echevarría, en page 2 du premier Boletín de la SEM : « […] hemos querido que los socios abarquen todos los … Lire la suite.
- Le virage académique : Avec le temps, la SEM a progressivement perdu cet « esprit fondateur ». Ses bulletins scientifiques sont devenus des ouvrages extrêmement pointus, des « tochos » (pavés) jugés « franchement indigestes » et « terriblement frustrants » pour les collectionneurs et les amateurs[3]Pour en avoir feuilleté quelques uns à l’occasion, je confirme qu’il s’agit de publications particulièrement arides et pauvres en illustration notamment.. Ils ne contenaient aucune information pratique pour la recherche de minéraux sur le terrain, se concentrant plutôt sur des travaux très spécifiques. C’était, pour reprendre l’expression de l’époque, le monde de la « blouse ou de la craie », bien loin de celui de la « botte et du terrain ».
- L’importance des excursions : pendant plusieurs années, notamment sous la houlette de Javier García Guinea, la SEM organisait régulièrement des excursions sur le terrain. Ces sorties, partant de l’école des mines, furent un véritable « terreau fertile » et un « bouillon de culture » pour de nombreux jeunes, leur offrant un premier contact avec la collecte de minéraux et confirmant leur intérêt pour les sciences de la Terre. Elles dépassaient largement le cadre académique et servaient de « cantera » (pépinière) pour de futurs géologues et ingénieurs des mines.
- Le désaveu de la prospection et de la collection des minéraux : le tournant majeur est survenu avec la modification des statuts de la SEM en 1990 et à nouveau en 2011, où la « promotion du monde amateur a été balayée » et a tout bonnement disparu des statuts de la société.
- La réaction des passionnés : face à la remise en question et à la menace de disparition de ces précieuses excursions, les participants ont décidé de réagir. Ils ont envoyé une communication aux membres de Madrid pour réclamer le maintien de ces activités. Leur message était clair : « si vous, en tant que Société Espagnole de Minéralogie, ne le faites pas, nous le ferons en tant que nouvelle entité », pour éviter que ces activités ne se perdent.
- Le refus de collaboration : les futurs fondateurs du GMM ont proposé de continuer ces activités, même s’ils devaient les organiser eux-mêmes, et ont demandé à partager le local social de la SEM. La réponse de la présidente de la SEM d’alors, Puri Fenol, fut cinglante, affirmant qu’elle n’allait pas expliquer à une « femme au foyer » que la pyrite, ce sont des « dés jaunes ». Ce refus fut perçu comme la confirmation d’un divorce entre les universitaires, axés sur la production scientifique, et la société civile.
- La naissance du GMM : ignorés, les membres intéressés ont alors décidé de fonder le Grupo Mineralogista de Madrid le 4 mai 1990. Leur idée initiale était que le GMM soit une section de la SEM, mais le désaccord les a carrément poussés à l’indépendance. Les statuts du GMM furent d’ailleurs une « copie littérale » de ceux de la SEM. La SEM a refusé de partager son siège, mais a proposé une collaboration scientifique et le don de fonds bibliographiques en double. Le GMM a finalement pu s’installer au département d’ingénierie géologique de l’école des mines de Madrid, bénéficiant du prestige de l’institution pour organiser des visites de mines importantes. Leur premier bulletin, Azogue[4]« Mercure », en français, est né en octobre 1990[5]Ce bulletin a été plus ou moins remplacé en 1994 par Bocamina, mais le GMM a décidé, en 2008, de redonner vie à cette publication.
Intérêt de la revue Bocamina en comparaison du bulletin de la SEM
La revue Bocamina s’est affirmée comme une publication distincte et de grande valeur, surtout face à l’évolution du bulletin de la SEM :
- Le bulletin de la SEM : comme je l’ai dit plus haut, après ses débuts prometteurs axés sur la prospection de terrain et la collection, les bulletins de la SEM sont devenus des « pavés » de travaux scientifiques très savants et « franchement indigestes » pour les amateurs. Leur lecture était perçue comme « terriblement frustrante » pour les collectionneurs, car dépourvue d’informations utiles pour la recherche de minéraux sur le terrain. C’était le monde académique de la « bata o tiza » (blouse ou craie), loin du terrain et des préoccupations des amateurs.
- La revue Bocamina : Bocamina a vu le jour en 1994, grâce à un financement conséquent (près d’un million de pesetas de 1993, vous vous rappelez, les pesetas ?) issu d’un accord avec RBA Ediciones pour la création de fiches minéralogiques. Son ambition principale était de proposer une publication d’une « très haute qualité graphique » pour « présenter la beauté des minéraux espagnols ». Les reproductions existantes étaient jugées de qualité technique médiocre. Le numéro zéro de Bocamina a marqué un tournant, étant le premier à publier des photos de minéraux espagnols avec un tel niveau de qualité graphique en Espagne. Il a connu un « impact important » et un « accueil exceptionnel ».
La revue a eu une belle longévité de 13 ans, et après un premier numéro général, elle s’est spécialisée avec des numéros dédiés à des gisements spécifiques, soit 25 publications au total[6]En comptant le Panasqueira.)). Son financement reposait sur les ventes, des subventions, des collaborations (comme celle du Conseil supérieur des ingénieurs des mines) et la publicité. Bocamina était envisagée comme une œuvre tangible, favorisant l’industrie minière et la défense du patrimoine. La photographie des minéraux, un travail « improbo » (ardu), était au cœur de cette démarche, nécessitant un effort considérable pour la qualité. Et la qualité, elle était là. Pour en posséder quelques uns, je peux dire qu’il n’y a qu’un Mineral Record ou, mieux encore, un Règne Minéral, pour l’égaler tant au niveau du contenu que de la maquette.
En résumé, tandis que le bulletin de la SEM s’est orienté vers l’académisme pur et dur, la revue Bocamina du GMM a su offrir une fenêtre visuelle et informative d’une qualité inégalée sur le monde des minéraux espagnols, répondant ainsi aux attentes des collectionneurs et comblant un vide laissé par l’évolution de la SEM. C’était, en quelque sorte, la publication que les passionnés attendaient, un pont entre le terrain et la mise en valeur du patrimoine minéralogique.
Notes
| ↑1 | Pour ce faire, je me suis largement appuyé sur la vidéo de Frente Minero (littéralement le « front minier », j’imagine comme des mineurs entrés en résistance). |
|---|---|
| ↑2 | Source : le mot du président de la SEM d’alors, Gonzalo Leal Echevarría, en page 2 du premier Boletín de la SEM : « […] hemos querido que los socios abarquen todos los ámbitos geográficos de nuestro país y todas las actividades posibles relacionadas con la mineralogía. Aunque no podemos ofrecer datos cuantitativos exactos porque no tenemos noticia de todos los socios en este aspecto, tanto en la Asamblea General como en la Junta Directiva están representadas, la docencia, la investigación, el comercio, el coleccionismo, la industria minera y la museología. Uno de los objetivos de la sociedad será facilitar y alentar cualquier tipo de relación e interacción que puede existir entre dos o más de estos ámbitos sectoriales », que je traduis : « […] Nous avons souhaité que les membres puissent provenir de toutes les régions de notre pays et toutes les activités possibles liées à la minéralogie. Bien que nous ne puissions pas offrir de données quantitatives exactes, car nous n’avons pas d’informations sur tous les membres à cet égard, l’enseignement, la recherche, le commerce, la collection, l’industrie minière et la muséologie sont représentés aussi bien à l’Assemblée générale qu’au Conseil d’Administration. L’un des objectifs de la société sera de faciliter et d’encourager tout type de relation et d’interaction pouvant exister entre deux ou plusieurs de ces domaines. » |
| ↑3 | Pour en avoir feuilleté quelques uns à l’occasion, je confirme qu’il s’agit de publications particulièrement arides et pauvres en illustration notamment. |
| ↑4 | « Mercure », en français |
| ↑5 | Ce bulletin a été plus ou moins remplacé en 1994 par Bocamina, mais le GMM a décidé, en 2008, de redonner vie à cette publication |
| ↑6 | En comptant le Panasqueira. |

























